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La transition énergétique : quels enjeux pour demain ?

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CCI Info n°295 avril-mai 2023
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Actualisation du STENC, financements... les prochains mois seront cruciaux pour mettre la Nouvelle-Calédonie en phase avec ses objectifs de transition énergétique qui prévoient une sortie des énergies fossiles et la décarbonation de l’économie d’ici à 2050. Des changements profonds qui créent de nouvelles contraintes, mais aussi de multiples opportunités économiques grâce à l’émergence de nouvelles filières porteuses d’avenir et dotées d'un fort potentiel d'export régional.

Augmentation des prix du gaz et des produits pétroliers, sécurité des approvisionnements énergétiques ou prise de conscience grandissante des effets du réchauffement climatique, tous les avis convergent : la Nouvelle-Calédonie doit tendre vers une production d’énergie décarbonée, tant dans le domaine de la mobilité, que dans celui des usages industriels ou domestiques. Deuxième émetteur de gaz à effet de serre (GES) par habitant au niveau mondial en 2020 (84 % de ces émissions émanant de l'industrie minière/métallurgique et du secteur des transports), le bilan carbone du territoire constitue un triste record. Un contexte énergétique préoccupant qui pousse la Nouvelle-Calédonie à s’engager plus ardemment dans sa transition énergétique.

Ainsi, l'exécutif a souhaité renforcer sa gouvernance, notamment avec la révision en cours du Schéma pour la transition énergétique (STENC), mais aussi mobiliser les collectivités sur leur propre territoire. Si la part d’énergies renouvelables (EnR) est passée de 10 à presque 20 % entre 2016 et 2021, 80 % de l’électricité reste toujours produite à partir d’énergies fossiles importées (fioul et charbon).

Le STENC 2.0 vise à accélérer la cadence en boostant la production d'EnR, principalement photovoltaïques, assorties de moyens de stockage (batteries Li-Ion, stations de transfert d’énergie par pompage) afin de traiter l’intermittence et la variabilité inhérentes à ce type d'énergies. « La Nouvelle-Calédonie dispose de trois éléments favorables à ce développement : l'ensoleillement, du foncier disponible et une forte consommation locale, liée à son industrie électro-intensive, à un prix actuellement très élevé », rappelle Pierre Kolb, élu à la CCI et pilote d'un groupe de travail du collectif NC ÉCO sur la transition énergétique.

Malgré de gros efforts enregistrés sur la distribution publique, pour Christopher Gygès, membre du gouvernement chargé de la transition énergétique et des énergies renouvelables, « les efforts doivent se concentrer sur le secteur de la métallurgie qui représente à lui seul 70 % de la consommation énergétique globale ». L'objectif affiché est « d'intégrer une part de 50 % d’EnR dans le mix métallurgique d’ici à 2035 ».

Le gouvernement vise une réduction de plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035. Des changements structurels majeurs sont attendus au niveau institutionnel, financier, budgétaire, social et politique.

Diagramme qui represente le mix energetique de la production electrique en nouvelle calédonie
Christopher Gygès

Le gouvernement vise une réduction de plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035. Des changements structurels majeurs sont attendus au niveau institutionnel, financier, budgétaire, social et politique.

310 MW autorisés 

Sur les 430 MWc d'installations photovoltaïques et éoliennes prévues entre 2023 et 2025, 310 MWc, soit plus de 70 %, disposent déjà d'une autorisation du gouvernement. Dans le Sud, il s'agit par exemple des centrales PV Sud Energie et Cap Energy menées par des filiales d'Alizés Énergie, de la centrale solaire de Prony portée par Enercal Énergies Nouvelles, de Prony Power de la société Urba Solar Pacific et du projet TotalEnergies.

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Co-construction et filières d’avenir

Pour accompagner la transition énergétique du territoire et de l’industrie calédonienne, la participation active du monde économique semble indispensable. À l’instar du collectif NC ÉCO ou du cluster Synergie, les collectivités et les acteurs locaux affichent clairement une volonté de co-construction. Plusieurs groupes de travail sont organisés pour repenser la production de l’énergie, sa distribution, son stockage et son utilisation, avec en ligne de mire une diversification industrielle majeure vis-à-vis du « tout nickel ». « La disponibilité d’énergies vertes et compétitives laisse espérer des solutions avec, au premier rang, la filière hydrogène qui pourrait représenter un poids financier équivalent à celui du secteur nickel », analyse Pierre Kolb.

Une étude commanditée par l’Agence calédonienne de l’énergie (ACE) a évalué les atouts et les défis liés au développement d'une filière hydrogène bas-carbone. L’établissement lancera prochainement plusieurs appels à projets pour favoriser le déploiement de ces installations novatrices. Parmi les autres filières d'avenir, on trouve aussi de manière plus confidentielle des essais d’exploitation du gisement de biomasse. Un projet pilote mené à Bourail sera inauguré en cours d'année. La structuration et le développement de ces filières économiques porteuses d’innovations et génératrices d’emplois nouveaux et/ou issus de reconversions industrielles représentent un levier majeur de développement durable pour la Nouvelle-Calédonie.

Financer la transition bas-carbone : des fonds publics et privés mobilisés

Mener à bien la transition énergétique a un coût. La Nouvelle-Calédonie compte s’appuyer entre autres sur l’enveloppe territoriale du Fonds européen de développement (FED) dédiée à la transition énergétique. Ainsi 35 millions d’euros, soit près de 4,2 milliards de francs CFP, seront alloués au développement des EnR sur le territoire. La convention technique consécutive à l'accord entre l'Union européenne et la Nouvelle-Calédonie est en cours de finalisation. À court terme, les investissements envisagés dans le cadre de la production et du stockage des EnR ont été estimés entre 100 et 150 milliards de francs (pour un dimensionnement de 1 000 MWc de photovoltaïque et de 2 200 MWh de stockage par batteries).

Les investissements réalisés sont pour l’heure exclusivement privés et rapportent des recettes à la Nouvelle-Calédonie tout en favorisant l'activité et la création d'emplois dans le secteur des énergies, mais aussi du BTP. Toutefois, pour le groupe de travail de NC ÉCO, le soutien de l’État apparaît « indispensable pour envisager une transition énergétique ambitieuse ». Avec la nomination d’un nouveau directeur à l’ACE, l'une des missions de l’Agence sera justement d’aller chercher des sources de financement, notamment dans le cadre du programme France 2030 et des plans nationaux dédiés.

Le stockage d’énergie par pompage représentant, à lui seul, une dépense de 30 à 40 milliards de francs. Ces investissements lourds rentreront dans le cadre des ateliers sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. D'autres pistes pourraient être envisagées : défiscalisation des investissements de stockage nécessaires, élargissement de la défiscalisation aux investissements dans des installations de production photovoltaïque à vocation industrielle, une garantie des emprunts et du rachat de la production d’électricité d’origine renouvelable, etc.

panneaux photovoltaïques

Crédits : Quadran Pacific

Couvrir les besoins en énergie

Les consommations du secteur industriel mettent en évidence la nécessité de revoir un schéma d’approvisionnement qui pourrait devenir problématique à l'avenir. Des évolutions normatives peuvent être nécessaires. Ainsi, le STENC 2.0 prévoit une Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), révisée tous les 5 ans, afin que la Nouvelle-Calédonie établisse sa feuille de route en matière d’orientation énergétique. Une case est prévue pour la transition énergétique spécifique au secteur industriel. Un outil de pilotage intéressant à l’heure où des mesures doivent être prises pour doper le potentiel de croissance durable et la compétitivité de ce secteur.

La signature d’un pacte vert entre les organisations patronales, les Chambres consulaires et les industriels permettra rapidement à ces derniers de s’engager de manière plus concrète dans la transition énergétique et plus particulièrement dans la production d'énergies renouvelables. Avec le concours technique et financier de l’ACE, le secteur s’engage aussi plus avant dans la maîtrise de l’énergie via des dispositifs de diagnostics, bilans carbone et autres solutions de financement pour les investissements. Des discussions doivent également s'engager entre le gouvernement et les banques pour mettre en place des prêts « verts » à taux zéro principalement à destination des entreprises.

Prony ressources

Crédits : Prony Ressources New Caledonia

« Le nickel calédonien doit se différencier »

Alors que la décarbonation de la métallurgie est un objectif au cœur de la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie, Prony Resources New Caledonia s'est emparée du sujet. Le point avec Sylvain David, responsable de la transition énergétique.

 

Prony Resources s'est engagée dans un projet de transition énergétique. Quels en sont les enjeux ?

Depuis deux ans, afin de devenir une entreprise plus durable, Prony Resources a entamé une transformation industrielle qui repose notamment sur la réduction de ses émissions de CO2. Pourquoi cette volonté ? Nos véritables concurrents sont en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Indonésie, à Madagascar, des pays avec lesquels on ne peut pas lutter à armes égales économiquement. La Nouvelle-Calédonie a d'autres atouts à faire valoir. Le pari est de nous différencier en atteignant des standards environnementaux et de responsabilité afin que notre nickel devienne un véritable choix pour nos clients. Pour rappel, l'Europe souhaite taxer l'intensité carbone des produits qui seront importés.

 

Comment atteindre cet objectif de diminution des émissions de CO2

Près de 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre sont issues de l'électricité essentiellement produite à partir de charbon. Nous avons rencontré les différents opérateurs avec notre objectif de réduire de 50 % ces émissions de CO2 d'ici à 2026. Le projet solaire de 160 MW de TotalEnergies a émergé. Seulement, entre-temps, nous avons rejoint l'accord-cadre impulsé par le gouvernement (lire l'encadré). Ce partenariat, qui vise à permettre la transition énergétique des industriels, répond à nos attentes.

 

Concrètement, comment cet accord s'est-il traduit sur votre projet ?

Le méga-projet de TotalEnergies s'est converti en une centrale solaire, sur site, de 40 MW. Le reste de l'énergie nécessaire à nos besoins sera fourni grâce à des projets photo-voltaïques raccordés au réseau public. Prony Resources n'a pas vocation à produire de l'électricité, en revanche, elle veut produire un nickel « vert » et la Nouvelle-Calédonie a la capacité d'avoir une énergie décarbonée compétitive. Notre feuille de route de décarbonation prévoit aussi d'agir sur la production de chaleur et la mobilité, ce qui nécessiterait le développement d'une filière hydrogène. Prony Resources souhaite en faciliter la mise en œuvre.

sylvain david
Sylvain David

Responsable de la transition énergétique chez Prony Resources New Caledonia

schéma explicatif sur les objectifs des métallurgistes sur le mix électrique

La décarbonation en marche

L'accord-cadre pour la décarbonation du secteur métallurgique a été signé le 24 mai 2022 entre le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, la province Sud, la SLN, Prony Resources et Enercal. Il prévoit la mise en production de 1 000 MW supplémentaires d'énergies renouvelables sur dix ans, soit 100 MW par an, mais aussi des moyens de stockage sur batteries ou via des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), pilotés par Enercal. Une baisse de coûts de l'énergie, donc un gain de compétitivité, est l'autre effet attendu par les industriels de ce partenariat que l'usine du Nord, Koniambo Nickel SAS, et la province Nord, ont déclaré vouloir rejoindre.

borne de recharge électrique

Une borne pour recharger deux voitures électriques se trouve sur le parking de la marina, au centre du village de Hienghène, face au gîte Ka Waboana.

Avancer dans le bon sens

Les émissions de CO2 sont en constante augmentation en Nouvelle- Calédonie, avec une part prépondérante de la métallurgie, suivie du transport - routier, principalement. L'écomobilité fait partie des en- jeux de la transition énergétique portée par le gouvernement, avec le concours de l’ACE et du cluster Synergie.

La question de la mobilité est l'un des éléments majeurs du Schéma pour la transition énergétique (STENC) révisé. Celui-ci mise sur une baisse de 15 % des émissions de gaz à effet de serre liées aux transports à l’horizon 2030, mais pour y parvenir plusieurs obstacles devront être franchis. Tout d’abord, l’électrification du transport n’est pas indépendante des problématiques du réseau électrique, lui-même en pleine évolution du fait de l’intégration progressive des énergies renouvelables intermittentes. Dans ce contexte, les besoins de recharge des véhicules électriques représentent encore un frein important.

Lancé en 2022 par le cluster Synergie, un comité de pilotage regroupant les acteurs de la mobilité a élaboré un plan d’actions prioritaires qui a été proposé au gouvernement. Le développement des infrastructures de recharge des véhicules électriques et l’évolution de la fiscalité y figurent en bonne place. « L’écomobilité permettra d’améliorer l’efficacité des transports mais aussi de réduire leur empreinte énergétique et leurs émissions de polluants, résume Angélique Renucci, manager du cluster Synergie. Cela suppose d’optimiser les systèmes actuels pour réduire la consommation de chaque mode de transport » Au-delà des nouvelles technologies – source des principales marges de progrès –, il s'agit également d’infléchir les comportements des usagers vers une conduite économe, des choix de modes de transport plus efficaces ou une utilisation accrue des services de mobilité.

150 bornes publiques bientôt installées

Le déploiement de bornes de recharge est indispensable à l'essor du véhicule électrique. Une réglementation qui vise à contrôler et encadrer le développement d'infrastructures ouvertes au public a vu le jour en 2021. Le maillage s’intensifie avec la mise en place de 150 bornes publiques sur l’ensemble du territoire.

Des mesures pour booster l’écomobilité

Incitations fiscales favorisant l’acquisition de véhicules (pour les véhicules électriques, le taux de TGC est aujourd'hui favorable), mise en place de bornes de recharges électriques publiques sur l’ensemble du territoire, création de nouveaux types de transports en commun sur le modèle des réseaux Néobus et Tanéo dans le Grand-Nouméa qui pourrait s’étendre à d’autres communes, ou mobilité partagée notamment dans les collectivités et les entreprises, sont autant de pistes explorées actuellement pour engager et faire vivre une démarche d’écomobilité en Nouvelle-Calédonie. Et celle-ci ne se limite pas aux voitures électriques et hybrides particulières ou aux transports en commun. D’autres types de véhicules pourraient être concernés à l’avenir : industriels, matériels roulants, etc. Comme l’indique Christopher Gygès, « L’ambition du gouvernement est d'atteindre la mise en circulation de 18 500 véhicules et que les motorisations électriques représentent 50 % des ventes de véhicules neufs à l'horizon 2030 ».